L'ESSENTIEL SUR SIMONE DE BEAUVOIR
Sa naissance : A Paris. Le 9 janvier 1908. Dans un appartement cossu du boulevard Raspail au-dessus de l'actuel restaurant La Rotonde. (-> 1908 : L'année des suffragettes, 250 000 femmes manifestent à Hyde Park, à Londres, pour demander le droit de vote des femmes.)
Son surnom : le castor, donné par André Herbaud. Traduction française du mot "beaver" en anglais dont la sonorité est proche du nom Beauvoir. De plus, le castor symbole le travail et l'energie.
Son père : Georges Bertrand de Beauvoir, aristocrate et médiocre avocat.
Sa mère : Françoise Brasseur, fervente catholique issue de la bourgeoisie de Verdun.
Sa soeur : (cadette): Hélène, dite Poupette.
Son grand-père :(maternel) : Gustave Brasseur. Président de la Banque de la Meuse. Fait faillite et est déclaré banqueroutier, précipitant ainsi sa famille dans le déshonneur et les contraignant à quitter un quotidien bourgeois pour une vie moins huppée.
Sa meilleure amie : Elisabeth Lacoin, dite Zaza, avec qui elle se dispute la place de meilleure élève.
Son compagnon : Jean-Paul Sartre, philosophe existentialiste avec qui elle a passé sa vie.
Son éducation : catholique et conformiste, voire très limitée.
Ses vacances : à Saint-Ybard, dans le parc de Meyrignac créé par son grand-père en 1880. Elle aimait la campagne.
Son parcours :
1913 : Elle entre au Cour Désir, cité scolaire catholique.
1925 : Elle obtient son baccalauréat et entame des études supérieurs de mathématiques et de lettres.
1926 : Elle obtient les certificats de mathématiques générales, de littérature et de latin.
1927 : Elle suit les cours de philosophie et obtient en juin, le certificat de philosophie générale.
1929 : Elle entame la rédaction d'un mémoire pour le diplôme d'études supérieures, alors qu'elle souffre de la mort de Zaza. Rencontre avec Sartre
1945 : Elle participe à la création de la revue Les Temps Modernes avec Sartre et Maurice Merleau-Ponty.
1949 : Elle publie un essai retentissant sur la condition féminine intitulé le Deuxième Sexe d'où est extrait la citation : "On ne naît pas femme, on le devient".
1954 : Elle reçoit le prix Goncourt pour Les Mandarins.
1958 : Elle publie sa première autobiographie : les Mémoires d'une jeune fille rangée. Dans les années suivantes, elle écrit aussi La Force de l’âge, La Force des choses et Tout compte fait jusqu'en 1972.
1980 : Jean-Paul Sartre décède. Suite à cet évènement qui la laissa anéanti durant de longs mois, elle publie La cérémonie des adieux (1981) puis Lettres au Castor (1983) regroupant la plupart de sa correspondance avec Sartre.
Sa mort : Elle décède en 1986 à l'âge de 78 ans et laisse derrière elle des bases essentielles et fondatrices du mouvement féministe ainsi que des années de lutte pour une égalité qui est encore loin d'être acquise. Elle est enterrée avec Sartre au cimetière Montparnasse, à Paris.
UNE RÉVOLUTION SIGNÉE BEAUVOIR !
Un seul mot désigne Simone de Beauvoir : Liberté !
Sa vie est un combat au jour le jour. Un combat contre les injustices, les inégalités, les règles et les clichés imposés aux femmes. D'ailleurs, c'est un combat pour les femmes. Pour toutes celles qui, depuis toujours, sont victimes de la légendaire supériorité de l'homme et de ses caprices. Car oui, les femmes subissent ! Elles sont pendant toute leur vie sous la pression des stéréotypes et du conformisme que soutiennent les hommes. Il est évident que cette situation les arange, puisqu'ils sont, comme le dit Simone de Beauvoir dans le Deuxième Sexe, L'un, et que la femme reste L'autre.
Alors, pour tenter de moderniser les moeurs et les esprits, Simone de Beauvoir va se lancer dans une lutte féministe et existentialiste. D'abord individuellement, puis collectivement en se liant à d'autres femmes, elle trouvera la force et le courage de changer les choses...
Seule...
... • Elle est une enfant très intelligente, façonné pour être et penser comme un homme : son père aurait voulu un garçon. "Tu as un cerveau d'homme", lui disait-il. Alors elle se fait pardonner et décide d'écrire car selon lui, «le plus beau métier est celui d'écrivain». Plus tard, elle se repose sur lui pour acquérir une culture général. Il lui conseille des livres, lui donne le gout du théâtre et de la littérature... Le fait qu'il la considère comme un homme renforce sa conscience féministe.
... • Elle est volontaire, déterminée : très jeune, elle acquiert une forte personnalité qui fera d'elle une femme accomplie. Sa mère la conforte dans l'idée qu'elle vivra pour toujours aux dépends d'un mari, qu'elle aura des enfants, qu'elle ne pourra pas travailler, et qu'elle sera catholique. Simone de Beauvoir refuse un destin aussi humiliant et ennuyeux, rejète l'éducation et les valeurs catholiques maternelles, et se dessine un avenir meilleur. Tout d'abord, elle sera écrivaine. Et athée, surtout. Elle fera des études, le plus possible. Elle aura un travail et gagnera sa vie, comme les hommes. Elle n'aura pas d'enfants, jamais. Et elle sera libre, autonome, et indépendante !
... • Elle rencontre Sartre, l'amour ne change pas pour autant sa vision des choses. Il y a alors deux 'sortes d'amour' différents : les amours nécessaires, et les amours contingentes. Avec lui, elle vivra la passion. Mais ils installeront tout de même un climat d'indépendance. Ils ne feront jamais rien qui puisse les rendre dépendant de l'autre : pas de mariage, pas d'enfants, pas de cohabitation. La voilà sentimentalement indépendante.
... • Elle ne veut dépendre de personne, et surtout pas d'un homme. Elle doit pour cela acquérir une autonomie financière. Ainsi, elle choisit de devenir professeur, avant d'être écrivaine. Il est essentiel pour elle qu'une femme qui veut se réaliser travaille.
... • Elle écrit un essai retentissant sur la condition des femmes, leur place dans une société qui les dévalorise : le Deuxième Sexe. Un appel au féminisme, oui. Mais aussi et surtout une oeuvre revendicatrice et contestataire qui choque les femmes, mais avant tout les hommes.
Collectivement ...
... • Elle met en place et participe à de nombreuses manifestations notamment pour l'avortement : avec un groupes de féministe, elles signent une pétition assurant qu'elles ont toutes vécu un avortement, ce qui est évidement faux, et s'expriment dans les rues.
... • Elle réunit les femmes, les rassemble pour qu'ensemble elles soient plus fortes et aient un impact plus important. Elle organise des réunions et prépare des actions qui briseront les tabous. Dans cette optique, elle espère aussi persuader d'autres femmes et ainsi les ralier à sa cause.
PHOTOGRAPHIES
Simone de Beauvoir et ...
... Zaza
... Hélène de Beauvoir
... Jean-Paul Sartre
... les livres
... Les Femmes
... La Cause du peuple
... Claudine Monteil
... L'écriture
... Le succès
VIDÉO
TÉMOIGNAGE
Certaines des lectrices de Simone de Beauvoir ne se sont pas contentées de ses écrits et ont souhaité rencontrer la féministe. Ces femmes racontent ce qu'elles ont vécu à ses côtés et en tant que connaissance.
Simone de Beauvoir d'après Claudine Monteil : "Simone de Beauvoir, le mouvement des femmes, un témoignage".
« En 1948, tandis que la France se remettait des blessures de la deuxième guerre mondiale, ma mère, une jeune agrégative, souhaita préparer un doctorat pour devenir professeur d’université en chimie. Elle épousa la même année un jeune mathématicien. En guise de cadeau de mariage, un mathématicien plus âgé lui dit qu’elle devait abandonner tout projet de carrière pour se consacrer à celle de son mari. “Merci pour votre conseil que je suivrai point.” lui répondit-elle.
Un an plus tard elle acheta en librairie un ouvrage qui suscitait une grand scandale en France, le premier tome du Deuxième Sexe . Elle s’allongea et enceinte de moi, en commença la lecture. Soudain, elle comprit que dans cette ville, Paris, elle n’était enfin plus seule. Elle avait le droit de poursuivre sa carrière comme elle l’entendait. Elle se sentait à présent forte et devint, comme elle l’avait souhaité, une femme professeur d’université en chimie [...] »
--> Claudine Monteil explique ici que, non, Simone de Beauvoir n'était pas la seule à se battre pour la cause des femmes, puisque sa mère refusait le statut de ménagère. Et c'est en lisant le Deuxième Sexe qu'elle trouva le courage et la volonté de faire ce qu'elle voulait c'est à dire travailler et avoir une vie professionnelle.
« [...] Vingt ans plus tard, je sonnais à la porte de Simone de Beauvoir. Mes jambes tremblaient et mon cœur battait fort. Lorsqu’elle ouvrit la porte, je ne savais pas que j’allais revenir dans ce lieu régulièrement et me lier d’une amitié avec elle qui dura jusqu’à sa disparition, en 1986.
Le Mouvement des Femmes commença en 1969, un an après les événements de mai 1968. Le 26 août 1969, huit femmes se rendirent à l’Arc de Triomphe pour déposer des fleurs sur “la tombe de de la veuve du soldat inconnu”.
Quelques mois plus tard je rejoignis le mouvement des femmes. Nous nous réunissions aux Beaux-Arts dans une ambiance joyeuse et décontractée qui contrastait avec le sérieux compassé des groupes post-soixante-huitard. Un soir, Anne, qui devait fonder par la suite la Ligue du Droit des Femmes avec l’auteure du Deuxième Sexe, me proposa de venir à une réunion qui se tenait le dimanche suivant chez Simone de Beauvoir: “Et sois à l’heure!” m’avait-elle prévenu. “Simone n’aime pas que l’on soit en retard.”
Le dimanche suivant, fin 1970, j’arrivai au 11 bis rue Schoelscher à 17h précises. Je me sentais intimidée. Je venais d’avoir vingt ans, et Simone avait déjà franchi le cap de la soixantaine. Elle ouvrit la porte, me sourit, puis s’exclama: “Vous êtes en retard!”. En réalité je ne l’étais point. Mais son affreux petit réveil qu’elle plaçait sur son bureau face à elle avançait toujours de cinq minutes.
Rien ne rendait Simone plus nerveuse que la notion du temps, garante de sa possibilité d’écrire.
Les quelques femmes du Mouvement qui participaient à ces réunions se trouvaient déjà là. Dans cet immense studio de peintre , composé d’une grande pièce et d’immenses fenêtres donnant sur la rue Schoelscher et le cimetière Montparnasse, deux sofas et deux fauteuils jaunes étaient posés sur une moquette mauve. Il était délicat de s’asseoir sur l’un des sofas, où trônait un masque égyptien au regard immobile et mystérieux, offert par Nasser.
Contre les fenêtres, face aux sofas, étaient rangées des poupées des différentes régions du monde, donnant l’impression qu’un régiment d’yeux fixes vous observaient.
Assise dans l’angle formé par les deux sofas, Simone était vêtue d’une de ses tuniques de soie et du bandeau de la même couleur. Autour d’elle se retrouvaient outre Anne l’avocate Gisèle Halimi, Christine Delphy, sociologue, directrice des Nouvelles Questions Féministes, et qui prépare un colloque international à Paris en janvier 1999 pour le cinquantenaire de la publication du Deuxième Sexe , Monique Wittig, auteure notamment du très beau livre Le Corps Lesbien, Delphine Seyrig, habillée en pantalons et non plus en robe longue comme dans l’Année dernière à Marienbad, Maryse L., active à présent dans la défense de l’environnement, Claude, une journaliste française, Annie S, haut fonctionnaire, Annie C, écrivaine, Cathy, poétesse, Liliane Kandel, sociologue et aujourd’hui membre du comité des Temps Modernes .
Tous les regards et les propos convergeaient bien sûr vers Simone de Beauvoir.
J’attendais d’elle de nous transmettre son savoir et son expérience. Mais à ma grande surprise, elle interrogeait l’une, puis l’autre, sur la meilleure campagne à mener pour la libéralisation de l’avortement. Agée de 20 ans, j’étais venue écouter cette dame de 62 ans. Et voilà qu’elle me demandait à mon tour mon opinion sur ce sujet.
Elle intervenait ensuite, réagissant parfois vivement, mais toujours avec respect. L’âge importait peu. De même elle ne mentionnait jamais l’un de ses livres. Nous nous sentions traitées d’égale à égale. Mais il fallait réagir aussi vite qu’elle.
Vers 19h, Simone de Beauvoir se crispait soudain. Il était pour elle l’heure de rejoindre Sartre. Nous quittions alors son studio, heureuses, mais épuisées. Malgré son âge avancé, sa vivacité restait intacte.
Ce fut ainsi que dimanche après dimanche, nous avons, en petit comité, préparé les différentes manifestations qui devaient conduire à une libéralisation de la loi sur l’avortement et à une amélioration de la condition des femmes en France.
En 1970, le mot “avortement ” était tabou. Dans ma famille, universitaire et progressiste, j’avais rarement entendu prononcer ce mot qui incitait la peur. En 1943, la gouvernement de Vichy avait puni de la peine de mort une femme qui pratiquait des avortements clandestins. L’avortement était toujours considéré par la loi comme un crime. Et chaque année, comme le rappelle Simone de Beauvoir dans Tout Compte Fait , des centaines de milliers d’avortements clandestins étaient pratiqués en France dans des conditions si dangereuses que certaines femmes restaient mutilées à vie ou en mourraient.
Pour briser ce silence et ces injustices, nous avons décidé de créer un événement choc qui obligerait les médias à parler du sujet. Chez Simone nous avons rédigé un Manifeste dans lequel nous déclarions que nous avions eu un avortement. Outre Simone, et de nombreuses femmes inconnues, des personnalités, notamment des actrices comme Catherine Deneuve et Delphine Seyrig, le signèrent. Bien que n’ayant pas eu d’avortement, je le signai également, par solidarité.
La publication le 4 avril 1971 dans Le Nouvel Observateur du “Manifeste des 343 ” suscita un scandale extraordinaire. Les radios, la télévision, les journaux, furent obligés de prononcer le mot interdit. Notre initiative fut un succès immédiat, même si plusieurs femmes signataires connurent des problèmes sur leurs lieux de travail. Simone accepta de donner un entretien inséré dans le même numéro de l’hebdomadaire dans lequel elle expliqua les raisons de notre acte.
Ce fut le début d’une action qui dura des années pour enfin réussir à faire modifier la loi: manifestations, soutien dans des procès contre des femmes jugées pour avoir eu un avortement. La société française se sentit enfin concernée par l’injustice de cette loi moyennageuse.
Dans le même temps, nous nous sommes attaquées aux questions concernant le viol, les femmes battues, les jeunes filles mères célibataires, les salaires inégaux et les emplois réservés aux hommes. Des femmes purent enfin accéder à des métiers où elles n’étaient pas acceptées: ingénieurs, chercheurs scientifiques, préfets, juges, médecins, pilotes de ligne, etc.
Simone de Beauvoir, qui a participé chaque jour à notre mouvement, nous a donné une jeunesse extraordinaire. Avons-nous, de nôtre côté, réussi à lui offrir, à travers ces combats menés ensemble, une deuxième jeunesse? Je l’espère.»